Jeudi 2 mars, le magazine de la RTS Temps Présent a diffusé une émission intitulée « Détransition, ils ont changé de sexe et ils regrettent » qui suscite un important buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias tout court (Blick du 06.03, Tribune de Genève 13.03).
ÉPICÈNE, plus grande association trans* de Suisse romande, ne s’est associée à aucun communiqué de presse ou pétition en lien avec cette très médiocre émission, mais n’est pas restée sans réaction, bien qu’elle n’ait pas été contactée par Temps Présent.
Le soir même nous avons discuté avec une spécialiste en communication et une de nos avocates. Force a été de constater que l’émission n’appelle pas à la haine envers les personnes transgenres, mais qu’elle souligne au contraire habilement que nombre d’entre elles vivent bien mieux leur vie après ce dur chemin. Elle fait même témoigner à la fin une personne qui confirme la qualité de son existence post transition, mais critique les associations. Il est par conséquent faux d’accuser l’émission de transphobie au sens du droit et difficile d’entreprendre des mesures judiciaires avec une quelconque chance de succès.
L’émission ne donne aucune définition du « regret », ne se base sur aucune statistique sur la proportion de détransitions par rapport aux chemins réussis, donne la parole à des « spécialistes » qui ne font état que de leurs opinions basées sur aucune publication scientifique et se contente de reprendre les arguments d’une association soi-disant mesurée, mais qui construit son combat contre nous en lien étroit avec des associations d’extrême droite françaises et américaines. Les journalistes critiquent les associations et personnes qui, ont soit refusé de participer, soit se sont désistées après coup, mais ne donnent pas d’explication. En ce sens ce Temps Présent est très partial.
Les associations qui se sont retirées de l’émission avaient sans doute leurs raisons pour le faire, bien que refuser la parole qui nous est donnée est déjà une manière de s’exprimer, à notre sens maladroite. À part une d’elles qui travaille depuis très longtemps avec de jeunes trans*, toutes les autres ne se sont absolument pas préoccupées de la transidentité et de nos vrais problèmes jusqu’à ce que le thème que nous portons ne devienne médiatisé.
Par exemple, aucune des organisations qui crient au loup aujourd’hui ne s’est manifestée quand la transphobie a été retirée du projet de modification de l’art. 261bis CP. La vraie solidarité eut été de refuser cette demi-mesure, pas de dire que notre tour viendrait plus tard. Comme d’habitude ! serait-on tenté d’ajouter.
De son côté, ÉPICÈNE a écrit le 3 mars à Temps Présent pour souligner, d’une part, son étonnement à ne pas avoir été approchée, et d’autre part pour dire qu’affirmer que toutes les associations avaient refusé de s’exprimer était dès lors factuellement faux. Nous avons laissé la porte ouverte à une éventuelle discussion.
Le 7 mars, en collaboration avec quatre des médecins avec lesquels·les nous collaborons régulièrement, dont deux ont fait l’objet de plaintes pénales et/ou administratives de la part de l’association dite mesurée, nous avons demandé une entrevue à la direction de la RTS. Nous attendons la réponse.
ÉPICÈNE continuera inlassablement son engagement en faveur de la population des personnes transgenres et de leurs proches, jeunes et moins jeunes, en questionnement, en doute, en transition ou en détransition, en se basant sur les standards de soins de la WPATH dont elle est membre, et sur les plus récentes données scientifiques et avec le monde médical correctement formé.