Notre opinion

Il est important de prendre conscience que la médecine appliquée aux personnes trans* est relativement récente et qu’elle concerne une population très restreinte. En conséquence, il existe peu d’études et publications scientifiques relatives aux diverses prises en charge possibles, notamment sur leurs conséquences à long terme sur la santé en général des personnes trans*. Les résultats des rares études qui existent sont essentiellement publiés à l’étranger.

En Suisse, la plupart des médecins ou du personnel soignant n’ont aucune idée des problématiques trans* en raison de l’absence de formation spécifique dans quelque domaine que ce soit, y compris la psychiatrie**. Il est donc très important de se renseigner auprès des associations afin d’être aiguillé.e.s vers les rares personnes qui, soit se sont formées à l’étranger, soit ont acquis une grande pratique sur le tas. Étant entendu que dans ce dernier cas, le tas, c’est les personnes trans* en Suisse d’il y a quelques années.

(** En Suisse alémanique, un groupe de psychiatres et de psychologues se réunit mensuellement et travaille à faire évoluer les connaissances dans le domaine de la prise en charge de l’incongruence de genre).

Concernant la chirurgie, en raison du peu de cas lié à la taille de la population suisse et au fractionnement fédéraliste des hôpitaux, les chirurgiens peinent à satisfaire les critères posés par la WPATH lors de séminaires pour atteindre un niveau de sécurité et de qualité satisfaisant. Un rapport publié en 2015 à la demande du Tribunal cantonal du canton de Vaud évaluant la situation helvétique a d’ailleurs permis à une femme trans* de faire prendre en charge par l’assurance obligatoire ses opérations réalisées en Thaïlande. Ce rapport relève également l’opacité dont font preuve certains médecins et hôpitaux quant aux statistiques par cas, par type de problème postopératoire rencontré, etc.

Les techniques utilisées par les chirurgiens en Suisse sont dépassées en raison de l’absence d’obligations i) de formation, tant de base spécifique que continue, ii) de recherche et de publications iii) d’un nombre minimal d’opérations par technique utilisée comme cela existe dans les autres domaines de la chirurgie en milieu hospitalier universitaire.

En tant qu’association soutenant les personnes trans*, notre propos n’est pas de vous pousser à vous faire traiter ou opérer à l’étranger, mais de vous rendre attentif·ve au fait que la médecine trans* est loin d’être une science exacte, que sa pratique est très limitée en Suisse et que vigilance et exigence devraient vous conduire à redoubler de questions, voire à demander des deuxièmes avis en cas de doute.

Nous accompagnons parfois des membres qui nous en font la demande lors de leurs premières visites auprès des chirurgiens.
Se faire opérer à l’étranger, même dans des pays mondialement reconnus pour leurs compétences dans le domaine (USA, Canada, Thaïlande, Belgique ou Suède), n’est pas sans conséquence non plus car les opérations requièrent toutes un suivi de longue haleine qu’il n’est pas forcément possible de mener sur place à chaque fois. Les résultats à une année, deux ans, voire davantage, dépendent beaucoup du suivi post-opératoire qui nécessite de connaître les techniques opératoires utilisées, les problèmes éventuels rencontrés par le chirurgien, etc. Assurer un tel suivi en Suisse après une opération réalisée à l’étranger est rarement optimal, parfois impossible.

En plus, la prise en charge par l’assurance obligatoire de soins d’une opération de réassignation réalisée à l’étranger, malgré le jugement vaudois sus évoqué, reste très aléatoire.

Nous pensons que contribuer à élever le niveau de la médecine transgenre en Suisse est le principal défi des associations trans* actuellement. C’est pourquoi il figure en bonne place dans nos statuts.

Lynn