(tiré du blog de L’Illustré de Lynn Bertholet intitulé : Coups de gueule)

Après des années de discussion, l’OMS a revu la classification de la dysphorie de genre[3]. Dans la 11eversion de la Classification Internationale des Maladies (CIM-11), la dysphorie est classée dans une nouvelle catégorie intitulée « conditions liées à la santé sexuelle ». C’est un pas important pour les personnes transgenres qui luttent depuis 1990 pour sortir leur souffrance de la classification stigmatisante de « maladie mentale » telle que le stipule encore la CIM-10 ou le DSM-V[1]. L’OFSP travaille actuellement à l’introduction de la CIM-11 dans le système médical suisse.

Cette avancée correspond aux vœux exprimés par les personnes trans* de sortir du giron de la psychiatrie pour être traitées comme toute personne souffrant d’une pathologie qui nécessite souvent des soins, que ce soit des prises d’hormones, des chirurgies et parfois également un soutien psychologique. En effet, de nombreuses études montrent que la source principale des souffrances des personnes trans* est issue du jugement des autres, de la stigmatisation de la famille, des amis, des collègues. Et je me permettrais d’ajouter aussi de la violence du corps médical à notre égard quand ce dernier se drape dans ses ignorances et dans sa toute-puissance.

Las, le CHUV et les HUG, sur le point de signer une convention visant à formaliser la prise en charge des personnes trans*, vont nommer un psychiatre à sa tête. Ce dernier, pas connu pour sa formation spécifique ni ses publications sur le thème de la dysphorie, aura la responsabilité, entre autres, de coordonner et de développer les soins aux personnes trans* dans les deux hôpitaux universitaires.

Cette nomination, et les développements qui suivront, va à l’encontre de l’évolution préconisée par la WPATH[2] et l’OMS. Elle s’est faite sans aucune consultation des associations défendant les intérêts des personnes trans*.

Les principales concernées une fois encore ignorées

Une fois encore, au lieu de chercher les compétences pointues qu’exige un tel poste, compétences qui ne peuvent avoir été acquises que dans des pays ayant développé depuis longtemps une médecine universitaire multidisciplinaire autour de la transidentité, les décideurs politiques vont favoriser le médecin local ayant appris sur le tas.

Dans ce cas, comme dans celui de la procédure soi-disant facilitée[3] de changement de genre, les besoins réels des personnes concernées ont été ignorés. Elles n’ont pas été consultées, donc pas écoutées et encore moins entendues.

Ces approches clivantes et stigmatisantes ne sont pas dignes d’un pays qui se déclare tolérant et inclusif.

Voir aussi l’article publié sur Heidi.news traitant des soins aux personnes trans*

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[1] Le DSM-V est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par l’American Psychiatric Association. C’est la « bible » des psychiatres en Suisse.

[2] WPATH : La World Professional Association for Transgender Health, est l’organisation mondiale qui regroupe les professionnels prenant en charge la dysphorie de genre. Elle émet notamment des standards de soins reconnus par les praticien·nes du monde entier. Le professeur Stan Monstrey en a été le président de 2005 à 2007

[3] Pour plus d’information sur la façon dont les trans* risquent bien de se faire avoir par le parlement, voir l’article paru dans le journal Le Temps du 11 juin 2020 sous le titre « Facilitation du changement de sexe : «Ce projet pourrait vraiment ne pas être une avancée »